Dans un tout petit village, un homme avait ouvert une boutique d'alimentation. Les affaires n'étaient pas brillantes dans ce village où régnait la pauvreté. Mais, en ces temps heureux, point n'était besoin de beaucoup d'argent pour vivre.
Un matin, la porte de l'épicerie s'ouvrit et un berger du village voisin, appuyé sur un long bâton et suivi de son énorme chien, y pénétrèrent.
- Bonjour vieux frère, je voudrais acheter un peu de miel.
L'épicier, très affable, s'empressa autour de son client.
- Bonjour, bonjour monsieur le berger. Entrez donc. Quel beau chien vous avez-là ! J'ai du miel excellent. Je vous sers de suite. Avez-vous un récipient . Parfait. Combien vous en faut-il ?
- Donnez-m'en un demi litre. C'est vrai qu'il est beau mon chien ; si vous saviez combien je l'aime ! C'est mon compagnon fidèle, et très intelligent avec ça ! Vous devriez le voir à l'oeuvre ! Il n'a pas sa pareille pour garder les troupeaux.
L'épicier pesait le miel tout en écoutant les propos du berger quand par inadvertance une goutte tomba sur le sol. Presqu'aussitôt ...
- Dzzz...
Une mouche sortie d'on ne sait où, piqua droit sur elle. La manoeuvre n'échappa pas au chat de l'épicier qui, somnolant dans un coin, suivait d'un oeil tout ce qui se passait autour de lui. Et soudain, sans bruit, sans que rien ne laissa prévoir son intention, il fit un bond vers la mouche et l'estourbit d'un seul coup de patte.
Le chien du berger qui, jusque là, semblait ignorer la présence du chat, sursauta, irrité par cette intrusion intempestive de son ennemi héréditaire, et se rua sur lui...
Des miaulements, des aboiements, une courte lutte s'ensuivirent ... et le chat bientôt étranglé s'affaissa aux pieds de son maître.
- Oh la brute ! La sale bête ! Il a tué mon pauvre minou ! Tiens ! Tiens encore ! là ! là !
Furieux, l'épicier jetait à la tête du chien tout ce qui lui passait sous la main, si bien que le chien s'étendit à son tour, raide mort, auprès du chat.
- Sauvage ! Assassin ! Oh ! Bonnes gens, il a massacré mon pauvre chien, mon unique ami, mon gagne-pain. Que vais-je faire sans lui, que vais-je devenir maintenant ? Soyez maudits, toi et les tiens ! Tu as osé frapper et tuer mon chien ! Viens un peu que je t'inflige le châtiment que méritent les tueurs d'animaux sans défense de ton espèce ! Tiens ! Tiens ! Tiens encore !
Armé de son bâton, le berger avait bondi sur son homme et, aveuglé par la colère, frappait, frappait tant et si bien que ce dernier tomba inanimé sur le seuil de la boutique.
- Au secours ! A l'assassin ! A l'assassin !
La nouvelle, de bouche à oreille, de maison en maison, de quartier en quartier, se répandit dans le village comme une traînée de poudre.
- Au secours! On l'a tué ! Venez vite ! Attrapez-le !
Aux cris de colère et de vengeance, aux pleurs, aux sanglots, vint s'ajouter le glas de la cloche de l'église. On n'aurait jamais cru qu'il vivait tant de monde dans ce petit village. Des hommes, des femmes, des enfants accouraient de tous côtés ; les parents, enfants, frères, soeurs, neveux, oncles, cousins, beaux-parents, beaux-frères, parrain, amis et autres relations de l'épicier s'étaient déjà emparés du berger qu'ils rouaient de coups.
- Brute ! Assassin ! Sauvage ! Où a-t-on vu chose pareille ? Es-tu venu ici pour faire des achats ou bien pour tuer les gens dans leur propre boutique ?
Ils firent tant et si bien que le berger mourut aussi et son corps inanimé s'allongea auprès de ceux de sa victime, de son chien, du chat et de la mouche !
C'est alors que l'alarme fut donnée dans le village voisin, celui du berger.
- Accourez tous ! Ils ont tué notre berger ! Nous prendraient-ils pour des femmelettes ? Marchons sur eux ! Venez tous ! Vengeance ! Vengeance !
Les habitants du village, armés de pierres, de pelles, de pioches, de fourches, de couteaux, de fourchettes, de bâtons, de fusils, d'épées, bref, tous ce qu'ils purent trouver, les uns à pieds, les autres à cheval, ceux-ci sans chapeau, ceux-là nu-pieds, marchèrent sur le village ennemi.
- C'est une bande de fous furieux ! Vous rendez-vous compte ? On y va pour faire des achats, on y laisse de l'argent, et comment vous remercient-ils ? Ils se mettent tous ensemble et vous massacrent sans crier gare ! Qu'est-ce que c'est que ces manières-là ? Allons-y les enfants ! En avant tout le monde ! Et pas de pitié pour les lâches assassins. Allons leur apprendre qu'ils ne peuvent impunément tuer l'un des nôtres.
- Allons-y ! Allons-y ! Vengeons-nous ! Pas de pitié pour ces fous ! Tuons-les tous !
Le choc fut terrible. Ils frappèrent, saccagèrent, mirent le feu partout. Les autres en firent autant. Plus il y eut de morts, plus s'enflèrent la colère et l'esprit de vengeance. Bientôt, il ne resta plus, de part et d'autre, que cadavres, cendres et fumées. Le malheur voulut que ces deux villages si proches appartinssent à deux royaumes différents.
Le roi de l'un d'eux apprenant ces événements se mit dans une terrible colère et convoqua ses ministres. Une proclamation fut édictée, que des hérauts portèrent dans tout le royaume :
"De la part du roi à tous ses sujets : Nobles seigneurs, braves soldats, vaillants travailleurs, grands et petits, hommes et femmes,
" Sachez tous qu'au moment où nous vivions en paix et vaquions à nos occupations habituelles, la nation voisine, sans préavis, sans prétexte aucun, a attaqué nos territoires et, armée de canons, a massacré traîtreusement nos concitoyens. Le sang innocent ainsi répandu de nos chers enfants, victimes de leur patriotisme, réclame vengeance. Nous, le roi, malgré notre amour de la paix et contre notre volonté, nous trouvons dans l'obligation de donner ordre à notre armée d'assurer notre défendre et s'il le faut d'attaquer l'adversaire. Par la grâce de Dieu, nous conquerrons les territoires de nos ennemis qui n'ont pas hésité à répandre le sang des innocents".
Le roi du second royaume déclara à son tour :
"Devant Dieu et les hommes, nous protestons contre les agissements méchants et sournois de nos voisins qui foulent aux pieds toutes les lois de bon voisinage et attisent le feu de la haine entre deux peuples jusqu'ici amis, reniant ainsi nos traités de paix et de bonne entente.
"Nous nous trouvons donc dans la triste obligation de répondre à la force par la force, à l'épée par l'épée, au nom de l'Honneur et de la Justice, au nom du sang innocent répandu, au nom de la Liberté, au nom de Dieu et de sa Gloire".
Et ce fut la guerre.
Une guerre terrible, dévastatrice comme toutes les guerres. Les champs de blé devinrent champs de bataille, les fermes furent dévastées, le bétail tué ou dispersé.
D'un pays à l'autre, tout fut mis à feu et à sang, semant partout la terreur qu'engendraient les massacres ... Eté, hiver, sans répit, durant des années ...
La guerre continuait encore lorsque surgit la famine. Il y eut des morts, encore des morts, beaucoup de morts ...
Ceux qui en réchappèrent par miracle, se demandent encore comment et pourquoi tout cela commença ...
**J'ai eu le plaisir de constater, au cours de mes recherches sur internet, que ce conte figurait parmi ceux dont les professeurs français faisaient usage dans leur classe pour donner à penser à leurs jeunes élèves afin d'en tirer les leçons.
*******
- C'est une bande de fous furieux ! Vous rendez-vous compte ? On y va pour faire des achats, on y laisse de l'argent, et comment vous remercient-ils ? Ils se mettent tous ensemble et vous massacrent sans crier gare ! Qu'est-ce que c'est que ces manières-là ? Allons-y les enfants ! En avant tout le monde ! Et pas de pitié pour les lâches assassins. Allons leur apprendre qu'ils ne peuvent impunément tuer l'un des nôtres.
- Allons-y ! Allons-y ! Vengeons-nous ! Pas de pitié pour ces fous ! Tuons-les tous !
Le choc fut terrible. Ils frappèrent, saccagèrent, mirent le feu partout. Les autres en firent autant. Plus il y eut de morts, plus s'enflèrent la colère et l'esprit de vengeance. Bientôt, il ne resta plus, de part et d'autre, que cadavres, cendres et fumées. Le malheur voulut que ces deux villages si proches appartinssent à deux royaumes différents.
Le roi de l'un d'eux apprenant ces événements se mit dans une terrible colère et convoqua ses ministres. Une proclamation fut édictée, que des hérauts portèrent dans tout le royaume :
"De la part du roi à tous ses sujets : Nobles seigneurs, braves soldats, vaillants travailleurs, grands et petits, hommes et femmes,
" Sachez tous qu'au moment où nous vivions en paix et vaquions à nos occupations habituelles, la nation voisine, sans préavis, sans prétexte aucun, a attaqué nos territoires et, armée de canons, a massacré traîtreusement nos concitoyens. Le sang innocent ainsi répandu de nos chers enfants, victimes de leur patriotisme, réclame vengeance. Nous, le roi, malgré notre amour de la paix et contre notre volonté, nous trouvons dans l'obligation de donner ordre à notre armée d'assurer notre défendre et s'il le faut d'attaquer l'adversaire. Par la grâce de Dieu, nous conquerrons les territoires de nos ennemis qui n'ont pas hésité à répandre le sang des innocents".
Le roi du second royaume déclara à son tour :
"Devant Dieu et les hommes, nous protestons contre les agissements méchants et sournois de nos voisins qui foulent aux pieds toutes les lois de bon voisinage et attisent le feu de la haine entre deux peuples jusqu'ici amis, reniant ainsi nos traités de paix et de bonne entente.
"Nous nous trouvons donc dans la triste obligation de répondre à la force par la force, à l'épée par l'épée, au nom de l'Honneur et de la Justice, au nom du sang innocent répandu, au nom de la Liberté, au nom de Dieu et de sa Gloire".
Et ce fut la guerre.
Une guerre terrible, dévastatrice comme toutes les guerres. Les champs de blé devinrent champs de bataille, les fermes furent dévastées, le bétail tué ou dispersé.
D'un pays à l'autre, tout fut mis à feu et à sang, semant partout la terreur qu'engendraient les massacres ... Eté, hiver, sans répit, durant des années ...
La guerre continuait encore lorsque surgit la famine. Il y eut des morts, encore des morts, beaucoup de morts ...
Ceux qui en réchappèrent par miracle, se demandent encore comment et pourquoi tout cela commença ...
**J'ai eu le plaisir de constater, au cours de mes recherches sur internet, que ce conte figurait parmi ceux dont les professeurs français faisaient usage dans leur classe pour donner à penser à leurs jeunes élèves afin d'en tirer les leçons.
*******
Si belle histoire, à amuser tout en faisant réfléchir à la plus grave des questions, c'est vraiment une histoire pour tous. Je vais la raconter dans les classes en mai.
RépondreSupprimerSi ce conte peut donner matière à réflexion pour vos enfants, j'aurai le sentiment d'avoir fait oeuvre utile !
RépondreSupprimerCordialement
Chere Dzovinar, je cherche le conte de H. Toumanian " Le chien et le chat" tr. par Denis Donikian. Auriez-vous ce texte ? Si oui, pourriez-vous le mettre sur votre blog ou ce serait trop vous demander. C'est un conte aussi fascinant que la Goute du Miel. Irene CHABOYAN
RépondreSupprimer"nous trouvons dans l'obligation de donner ordre à notre armée d'assurer notre défendre "
RépondreSupprimerBonjour,
J'ai vu qu'il y a une faute d'attention ici.
Bonne journée.