jeudi 30 mai 2013

LA LEGENDE DE HAIG

La légende de Haïg

Peinture sur porcelaine - Dzovinar

Plusieurs milliers d'années avant notre ère, dans la région montagneuse qui, par la suite, devait devenir l'Arménie, vivait un Brave qui avait pour nom Haïg.
Haïg descendait de la race des géants qui avaient élu domicile sur cette partie de la terre.
Il était le chef d'une tribu dont les femmes étaient très belles, élancées, fières et intelligentes et les hommes grands, forts, intrépides et vaillants. Pourtant Haïg était encore plus fort que les plus forts, encore plus vaillant que les plus vaillants. Les deux passions de sa vie étaient sa femme, la belle Archalouïs (1)et la chasse. Mais ce qu'il aimait par-dessus tout, c'était la liberté. La liberté et la chasse ne sont pas incompatibles, bien au contraire. Et la belle Archalouïs était la plus aimante et la plus compréhensive des femmes. Haïg vivait donc en homme heureux, entouré des membres de sa tribu, dont le nombre atteignait à peine trois cents âmes.
Le matin, de bonne heure, les hommes partaient pour la chasse ; les femmes s'occupaient des travaux ménagers. Le soir, après le retour des chasseurs, la tribu se rassemblait autour des feux de joie. Les enfants entouraient les aïeux pour écouter bouche bée leurs récits passionnants. Les femmes s'affairaient offrant à boire et à manger après quoi tout le monde se mêlait à une danse montagnarde endiablée autour du feu.
Haïg et les membres de sa tribu, vivant uniquement du produit de la chasse, n'étaient pas riches. Parfois même, en hiver surtout, ils connaissaient des jours difficiles, lorsque le gibier se faisait rare. Mais ces difficultés passagères n'altéraient en rien leur solidarité et leur bonne humeur, car ils étaient conscients de la grande chance qui leur avait été offerte par la vie : celle de pouvoir vivre en paix et en hommes libres.

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Un peu plus au sud, dans la riche et fertile plaine, vivait un autre chef, Bel de son nom. Lui aussi était grand et fort mais ce qui le différenciait de Haïg,  était son ambitieux et son tempérament dominateur, orgueilleux et vaniteux. Il s'était mis en tête de devenir le chef incontesté de tous les autres chefs de tribus pour leur imposer sa volonté et en faire ses sujets. Riche et à la tête d'une imposante armée de guerriers, il pensait qu'il parviendrait facilement à ses fins par l'argent ou par la force.
Haïg étant son plus proche voisin, Bel décida donc de commencer par lui. Il lui envoya des émissaires porteurs du message suivant :
"On m'affirme que tu es un homme intelligent. Et je ne comprends pas pourquoi tu t'obstines à vivre sur ces montagnes arides qui ne peuvent te procurer aucune richesse. Tu vis au jour le jour avec les produits de la chasse qui ne peut  être bonne en toutes saisons. Pourquoi imposer ces privations aux membres de ta tribu ? Descends de tes montagnes ingrates, viens vivre dans ma riche plaine, accepte ma suzeraineté  ; ainsi tu vivras en homme riche et comblé jusqu'à la fin de tes jours".
Haïg était un homme simple et sans malices mais il n'était pas sot. D'ailleurs point n'était besoin de posséder une grande intelligence pour comprendre le marché proposé par Bel : la vie prospère en échange de la liberté.
Haïg n'hésita pas une seconde pour donner sa réponse aux émissaires :
- Allez dire à Bel que je le remercie pour sa sollicitude, mais je préfère vivre en homme pauvre et libre, plutôt qu'en esclave riche.

Cette réponse blessa à vif la vanité et l'orgueil de Bel. Il ne concevait pas que l'on puisse lui résister. Pour qui se prenait-il ce vil montagnard et comment osait-il afficher une telle insolence ?
Puisque l'appât du gain n'avait pu le convaincre, Bel décida d'avoir recours à la force.
Il réunit ses guerriers dont le nombre était considérable pour l'époque et s'élança vers les montagnes où vivait Haïg.
Ce dernier était  à la chasse, selon son habitude, lorsqu'on vint l'informer de l'approche de Bel. Haïg réunit tous ses hommes - une poignée insignifiante comparée à l'armée de Bel. Il n'eut aucun besoin de leur expliquer pourquoi il fallait résister, coûte que coûte, jusqu'au dernier homme. Ils savaient tous que l'enjeu était leur liberté car s'ils la perdaient leur vie n'aurait plus aucun sens.
Le choc des deux armées fut terrible.
Les hommes de Haïg avaient pour eux l'ardeur et la ferme volonté de vaincre, car toute leur vie dépendait de l'issue du combat. Mais les hommes de Bel étaient beaucoup plus nombreux et mieux équipés.
Le sang coulait avec abondance ; le sol se jonchait sans cesse de  nouveaux corps sans vie.
Soudain dans la mêlée, Haïg et Bel se trouvèrent face à face. Ils se cherchaient depuis le début. Bel avec un rictus effrayant se précipita sur Haïg, persuadé que s'il éliminait leur chef, les autres combattants rendraient les armes.
Haïg de son côté attendait cette occasion "les soldats de Bel, des mercenaires pour la plupart, s'enfuiront à toutes jambes si Bel tombe -  pensait Haïg - il faut donc que je le tue". Et il entra avec fougue dans la lutte. 
Le combat fut sans merci car les deux chefs étaient de force surhumaine. Mais Haïg avait cette supériorité propre aux défenseurs des causes justes.
Il leva son bras pour asséner le coup fatal. Bel, dont le regard avait croisé celui de Haïg, fut glacé par la froide détermination qu'il y lut. Pendant quelques instants il perdit le contrôle de lui-même et, faisant volte-face, tenta de s'enfuir. Haïg jeta son épée et s'empara de son arc et d'une flèche et attendit ...Rassuré par l'avance qu'il avait prise, Bel se retourna... C'est ce moment que choisit Haïg pour viser le coeur de son adversaire et la flèche partit ... Bel tomba comme une masse  


Ses soldats jetèrent bas les armes et s'enfuirent. Haïg ordonna à ses hommes de ne point poursuivre les fuyards. Il savait bien que ceux-ci ne reviendraient pas de sitôt.

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Sur l'emplacement même où avait eu lieu la bataille, Haïg fit bâtir une ville qu'il appela Haïgachen (2). La vallée où furent enterrés les héros de ce jour mémorable, fut baptisée Haïotz Tzor (3), nom qui par la suite fut étendu à toute cette région.
De toutes les autres régions avoisinantes, les populations affluèrent en masse afin de solliciter de ce vaillant chef la faveur de vivre sous sa protection. Ainsi, le petite tribu de jadis s'agrandit considérablement et, quelques générations plus tard, devint une nation dont les fils furent appelé des "Haï" (4), et leur pays   "Haïastan" (5).

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(1) Archalouïs : Aurore
(2) Haïgachen : construit par Haïg
(3) Haïotz Tzor : Vallée des Haï
(4) Haï : nom que se donnent les arméniens
(5) Haïastan : Pays des Haï - Arménie

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D'après le conte recueilli dans "Nouvelles d'Arménie Magazine"

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2 commentaires:

  1. Jolie légende, mais elle correspond tant au tempérament des arméniens, qu'elle est sans doute proche de la réalité.

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