mardi 7 janvier 2014

UNE LEGENDE AIMEE DES ARMENIENS ENTRE TOUTES : LA NATIVITE

CURIOSITE DENICHEE DANS LES "ARCHIVES PRIVEES"

par Sinan BEY
(Forum des N.A.M)

 Gentile da Fabriano, Adoration des mages


Allez, pour bien finir la fête de Noël (pour ceux qui la fêtent - il y en a même qui ne croient à rien mais qui la fêtent kamème!):
nous présentons ici une curiosité, dénichée dans les 'Archives privées' :

Attention, ça commence: armez-vous de patience!

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Noël arménien : Pourquoi le 6 Janvier ?

Les Arméniens, première nation ayant proclamé le christianisme comme religion d’Etat en 301, voire vers 280, continuent à fêter Noël le 6 janvier et non pas le 25 décembre. Pourquoi ? Nous aurions pu donner une réponse historique, ou citer une notoriété ecclésiastique de nos jours. Nous préférons laisser la parole à Sa Majesté Gagik II, Roi d’Arménie.
Il explique lui-même les raisons de son intervention. « Je suis le Roi, dit-il, et le fils des Rois d’Arménie. D’autre part, je suis parfaitement instruit dans les sciences de la Bible. Je connais à fond l’Ancien et le Nouveau Testament. Tous les Arméniens peuvent en témoigner, puisqu’ils me classent parmi les docteurs de leur Eglise ».
C’était en 1065, devant le synode de Sainte-Sophie et devant la cour impériale de Constantinople qui poursuivait l’unification, c’est-à-dire l’assimilation totale du peuple arménien avec la Byzance.
Quelques décennies plus tard, dans les années 1130/40, l’historien contemporain Mathéos Ourhayétzi ou Matthieu d’Edesse, avec un plaisir sans retenu reproduit ce document intégralement dans ses Annales (éditées à Jérusalem en 1869) dont nous citons ici les passages relatifs à Noël (pages 195-214).
Rappelons cependant que les Arméniens (non catholiques) fêtent la naissance et la révélation du Fils de Dieu (Epiphanie) le même jour, le 6 janvier, c’est pourquoi on souhaite à Noël : « Christos dzenav yév haytnétzav – Tzézi mézi médz Avédis ! » (Le Christ est né et s’est révélé parmi nous : quelle bonne nouvelle, pour vous et pour nous !).

Le Roi parle (début de la citation) :
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« Quant à la fête de la Nativité du Seigneur, voilà : l’évangéliste et l’apôtre Luc dit : ‘Jésus avait trente ans’. Par là, il démontre qu’Il était baptisé et avait commencé son enseignement le jour même où Il venait d’avoir ses trente ans précis. 
Habituellement, l’on compte cent quatre-vingts jours pour la période où Zacharie resta muet, qui remet l’Annonciation au 25 mars d’où l’on compte deux cent soixante-seize jours pour la grossesse de la Sainte Vierge selon la règle de naissance du premier-né au dixième mois, pour en résulter la Nativité le 25 décembre.

« Examinons d’abord le livre des Lévites, ensuite l’Evangile. Dans les Lévites c’est écrit : ‘La fête que vous me consacrerez doit être sanctifiée. Trois fois par an vous ferez la fête, et tout mâle doit se présenter devant moi, et vous présentez des offrandes au Seigneur’. Un peu plus loin : ‘Le premier jour du septième mois est sacré. Et le quinzième jour du même mois est la fête qu’on appelle des Tabernacles, il est également sacré, n’effectuez aucun travail ce jour-là. Et le septième jour est sacré, le chabat du repos, n’effectuez aucun travail ce jour-là’. 

« Zacharie est tombé muet au mois (hébreu) de Techrine, ce qui est le septième mois, le jour du Pardon quand le grand prêtre entrait au Sanctuaire des sanctuaires, et ceci, une fois par an, selon le témoignage de saint Paul. Or, il n’était pas opportun à Zacharie de s’approcher de sa femme ce jour-là, car il était le grand prêtre de cette année, et la fête des Tentes était imminente : tout le peuple d’Israël y était réuni pour célébrer pendant sept jours cette fête. Il n’était pas possible au grand prêtre d’abandonner son public et de rentrer chez lui.

« Qu’il habitait à l’extérieur de la ville et non pas dans Jérusalem, à cela il y a le témoignage de Luc : ‘Les gens attendaient Zacharie et s’étonnaient de son séjour prolongé dans le Temple. Mais quand les jours de son office furent accomplis, il rentra chez lui’ (dans sa maison). Et il ajoute : ‘Après ces jours-là, sa femme Elisabeth fut enceinte’.

« A toute personne qui sait penser, il paraît évident : tandis qu’il était ordonné au simple peuple de sanctifier non seulement les jours des Fêtes mais aussi le début du mois jusqu’au troisième jour, comment le grand prêtre lui-même pouvait-il abandonner son peuple au milieu des grandes fêtes, rentrer chez lui et s’approcher de sa femme ? L’évangéliste ajoute encore : ‘Marie se leva et partit vers les montagnes, vers la ville de Juda, et entra dans la maison de Zacharie’. C’était le jour même des fêtes.

« Conclusion : Zacharie est devenu muet le dix du mois Techrine, c’est-à-dire le vingt-cinq septembre ; et le vingt-deux du mois Techrine il y eut le rapport et la grossesse d’Elisabeth. 

« En comptant les six jours du mois, ça fait cent quatre-vingts jours , ce qui se fixe au seize du mois, qui correspond au six du mois d’avril des Romains, le jour où l’annonce fut faite à la sainte vierge Marie (Annonciation). Y compris la dizaine de jours supplémentaires nécessaires à la naissance des premiers-nés, ça fait deux cent quatre-vingt-six jours : le vingt-et-un septembre, ce qui correspond au six janvier des Romains. » 

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(Fin du Discours du Roi).

Le débat continue encore sur d’autres sujets, et le Roi d’Arménie défend brillamment les thèses arméniennes. Son renom se répand auprès des grands docteurs de l’Eglise arménienne dont Mathéos cite fièrement une grande liste. Cela n’empêche pas pour autant les ‘Roméens’ (Byzantins) de l’assassiner plus tard, traîtreusement et sauvagement – à la manière byzantine.
(Le discours du Roi est traduit de l’ancien arménien).

PS : L’Eglise primitive universelle fêtait la nativité et la révélation du Seigneur le même jour, le 6 janvier. Par la suite, précisément en 353 (après J.-C. bien évidemment), le pape, voulant remplacer une fête importante païenne qui se célébrait à Rome juste après le solstice d’hiver, a dédié cette journée à la Naissance du Seigneur, et pour le 6 janvier, on a gardé sa révélation, l’Epiphanie. Les autres Eglises d’Orient ont suivi l’exemple, un peu plus tard, probablement après que l’Eglise arménienne se soit séparée des autres Eglises sœurs (VIe siècle). C’est ainsi que les Arméniens n’ont pas suivi l’exemple général et sont restés les seuls à fêter Noël et Epiphanie le même jour, le 6 janvier. Actuellement, les orthodoxes fêtent Noël le 7 janvier : c’est pure coïncidence. C’est à cause du retard du calendrier julien encore en usage chez eux. 
NB : Qu’on fête la naissance du Seigneur le 25 décembre ou le 6 janvier, n’a aucune importance dogmatique. C’est un fait pratique, pragmatique, liturgique. D’ailleurs, on ne sait pas quand le Christ est né, ni le jour, ni l’année. Selon toute probabilité, Jésus de Nazareth est venu au monde entre le 9 et le 5 avant Jésus-Christ. – 
Le Discours historique du Roi d’Arménie est présenté ici comme une curiosité.

(Copyright Simon Babikian).